Doctorat

20 conseils pour devenir rapidement un pro de l’écriture scientifique

« La vraie scientificité est celle qui consiste à écrire dans un langage clair, avec des articulations logiques, et en distinguant sans ambiguïté, les faits avérés, les hypothèses, les opinions (de l’auteur ou d’autres), les propositions…afin que le lecteur puisse poursuivre l’œuvre ». (Ferreux, 2006, pp. 28-29)

L’écriture scientifique est une écriture objective. Le chercheur doit éviter tout jugement de valeur ou termes trop connotés qui laisseraient entrevoir son point de vue subjectif dans sa recherche (Quivy & Campenhoudt, 1995). Pour construire son argumentation, il s’appuie sur des faits empiriques et sur des auteurs. Dans l’écriture scientifique, les phrases sont courtes. Les structures grammaticales doivent être simples pour en faciliter la compréhension (Ferreux, 2006). Les phrases de 10 lignes qu’il faut relire 10 fois pour en comprendre le sens parce qu’on ne sait plus quel est le sujet du verbe et le verbe du sujet et que les propositions conjonctives s’incluent dans les relatives et aussi dans les propositions principales, à l’intérieur d’une première proposition puis d’une deuxième proposition, on n’en comprend plus le sens, c’est imbuvable, ça fait mal à la tête (normalement vous devriez avoir mal à la tête en lisant cette phrase^^). Chaque mot écrit est minutieusement pensé pour s’assurer qu’il renvoie bien au sens que le chercheur a souhaité lui donner (Le Bouëdec & De La Garanderie, 1993; Toft & Jaeger, 1998). Il ne doit pas y avoir d’autres interprétations possibles de ses mots, de ses phrases et de son texte. Remplacer un terme par un autre terme que l’on pourrait juger approchant (synonyme), change le sens de la phrase. Le chercheur explicite et justifie tout ce qu’il écrit. Les ellipses, les non-dits et les présupposés sont proscrits (Chambat-Houillon, 2008).
Enfin, l’écriture scientifique s’apprend en écrivant et en rééééécrivant puis en effaçant et en modifiant et en écrivant, encore et encore…. Elle s’apprend aussi grâce aux nombreux retours constructifs d’experts et de pairs sur ses écrits.

L’écriture scientifique

Les Phrases
1- Des phrase courtes (sujet-verbe-complément). Le lecteur se perd dans une phrase de 10 lignes, il doit la relire plusieurs fois pour repérer le sujet, le verbe et en comprendre le sens;
2- Des phrases dans le bon ordre. Eviter de mettre le sujet à la fin, le lecteur reste en apnée jusqu’à la fin de la phrase pour en comprendre le sens. Au lieu de dire « annoter le texte de l’étudiant constitue l’un des rôles du directeur de recherches », on dira plutôt « L’un des principaux rôles du directeur de recherches consiste à annoter l’écrit de l’étudiant ».
3- Pas de conjonctions en début de phrase, qui alourdissent inutilement la phrase. Au lieu d’écrire « Donc nous pensons que la théorie la plus approprié est…», on écrira plutôt « Nous pensons donc…« 
4- Limiter les verbes peu significatifs tels que « être », « avoir » et « faire ». Au lieu de dire « Il y a beaucoup de bénévoles dans cette association« , dire plutôt « L’association compte beaucoup de bénévoles ». Il en est de même pour les verbes « pouvoir » ou « permettre ». Au lieu de dire « cet article permet de donner un aperçu de l’écriture scientifique« , dire simplement « cet article donne un …« 
5- Attention à la cohérence entre un sujet inhumain et le verbe. Par exemple : « cet article parle de … » = un article ne parle pas. Un autre exemple : « Platon nous dit que… » = il ne nous l’a pas dit à nous, il l’a écrit dans son livre;
6- Supprimer les phrases inutiles. Par exemple, « Ce concept est particulièrement intéressant » n’apporte pas d’information supplémentaire, c’est une phrase vide. Précisez en quoi il est intéressant, de manière à apporter une information nouvelle.
7- Supprimer les expressions populaires qui sont vides de sens et n’apportent aucune information. Par exemple « depuis la nuit des temps« , « depuis toujours » ou « au jour d’aujourd’hui». Donnez des dates « Depuis les années 1980, …»

Les mots
8- Rester neutre dans ses termes, pas de jugement de valeur. Au lieu de dire «Durkeim, un auteur atypique, aborde... » Le fait qu’il soit atypique n’engage que vous, il s’agit de votre perception des choses. Deux solutions: on supprime cette subjectivité, ou on la justifie en expliquant en quoi il est atypique ;
9- Attention aux termes trop connotés. Au lieu de dire « l’âge a un impact sur la réussite en master » (« un impact » = connoté négativement), on dira plutôt « l’âge a un effet sur … » ;
10- Eviter l’emploi de synonymes, parce que chaque mot possède sa propre signification. Par exemple « la direction de mémoire »,  » l’accompagnement », «l’encadrement » qui sont des synonymes, renvoient à des idées et des concepts très différents;
11- Remplacer les « etc. » par « tel que… » et donner quelques exemples;
12- Attention à l’usage de « certains » qui rend le discours trop vague et imprécis. Au lieu de dire: « certains auteurs abordent la notion…» dire plutôt « certains auteurs, tels que X et Y » ou « certains auteurs (X, 1990; Z, 2005) abordent la notion…« .
13- Eviter l’emploi du pronom impersonnel « on ». Par exemple « on peut venir en cours à l’heure convenue« , qui ça « on » ? A qui renvoie-t-il ?. On dira plutôt « les étudiants peuvent venir…».
14- Éviter l’utilisation d’adjectifs démonstratifs « ce, cette… » ou de pronoms démonstratifs « ceci, cela » en début de phrase. Le lecteur se perd, il est obligé de relire les phrases précédentes pour ne pas perdre le fil. Au lieu de dire « Ceci est un bel exemple de… » on dira « Ce discours est un bel exemple de…».

Le style
15- Pas de généralisation abusive. Par exemple « un enseignant-chercheur se forme lui-même à l’enseignement ». Cette généralité ne représente pas la réalité: certains se forment au contact de leurs collègues, d’autres suivent des formations. Quelles sont les sources qui appuyent ce constat ? Il serait préférable de dire « D’après auteur X, et auteur Y, les enseignants…»;
16- Qui parle ? Pour chacune des phrases, l’auteur de ce constat, de cette idée ou de cette pensée doit être mentionné. Par exemple, si vous en êtes l’auteur, précisez-le « je pense que/nous pensons que ». S’il s’agit de l’idée d’un auteur, mentionnez-le. Par exemple, au lieu de dire « on peut dire que/il est avéré que… » précisez qui est le « on »;
17- Expliciter: tout doit être explicité. Par exemple, « l’évaluation sommative peut aussi être formative ». Qu’est-ce que l’évaluation « sommative » ? Pourquoi et en quoi peut-elle être formative ?;
18- Eviter l’emploi inutile des conjonctions « qui » et « que ». Elles alourdissent inutilement la phrase et la complexifie. Au lieu de dire « L’idée qui fut abandonnée en cours de route…», on dira « l’idée fut abandonnée en cours de route,… « 
19- Limiter l’usage des formulations négatives. Au lieu de dire ce qu’ils ne font pas « les étudiants n’entrent pas à la l’université par la porte principale« , dites plutôt ce qu’ils font (sauf si la négation est importante pour votre analyse bien sûr) « les étudiants entrent à l’université par la porte secondaire».
20- Enjoy 😀

Structure d’un article scientifique

– Vous trouverez ICI la structure d’un article scientifique : Combien de parties ? Quelles parties ? Quoi mettre dans les parties etc. C’est une structure proposée par une revue canadienne. Je la trouve particulièrement pertinente, très bien explicitée et utilisable dans toutes les disciplines. A noter que si vous proposez votre article dans une revue Française, il n’y a généralement pas de partie intitulée « considérations éthiques ».

Laetitia GERARD

XXX Dessin issu de mon site La thèse nuit gravement à la santé

39 réflexions au sujet de “20 conseils pour devenir rapidement un pro de l’écriture scientifique”

  1. Quelques conseils de style pour la rédaction, ainsi que des expressions utiles, sont aussi fournis sur cette page : http://www.info-webmagazine.com/blog/view/5314/aide-syntaxe-pour-les-doctorants-une-liste-d-expressions-qui-permettent-de-nuancer-vos-propos.
    Malheureusement, aucune source n’est précisée, et je ne connais pas l’auteur, qui reprend parfois d’autres sources sans les citer (par exemple dans cet autre billet sur le sujet, http://www.info-webmagazine.com/blog/view/11511/english-for-writing-research-papers-partagez, qui reprend le résumé d' »English for Writing Research Papers », d’Adrian Wallwork)

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  2. Bonjour,

    « L’écriture scientifique est une écriture objective ». Je ne me retrouve pas forcément dans cette approche travaillant l’implication du chercheur et sa subjectivité, et approche basée sur la théorie ancrée : Stratégies pour la recherche qualitative

    Bonne journée
    Brigitte

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    1. Bonjour
      « Subjective » ne veut pas dire « ne pas donner son avis ». « Subjective » signifie que le chercheur s’appuie que des/ses recherches pour alimenter sa réflexion, qu’il ne se base pas sur du vent pour construire ses idées.

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    2. Je suis assez d’accord. Le terme « écriture objective » est presque un oxymore. L’idée même d’une écriture objective fait partie des représentations handicapantes pour l’apprenti chercheur. Il faudrait parler d’une écriture objectivante, qui se veut la plus transparente possible. Mais, oui, « objective » porte généralement en arrière plan l’idée d’une absence de prise de positions, d’une neutralité. Même si ce n’est pas en ce sens que Laetitia Gérard l’utilise, c’est souvent ce qu’il véhicule (Lire pour cela l’article de Yves Reuter (2004). Analyser les problèmes de l’écriture de recherche en formation. Pratiques, 121/122, 9-27.)

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  3. Bonjour, je trouve cet article très intéressant. Je me demande quelle était la bibliographie ? (Pourriez-vous m’indiquer le livre dont vous parlez ?)
    Cordialement

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    1. Bonjour Vivi 🙂
      L' »ouvrage » de Ferreux s’intitule « De l’écrit universitaire au texte lisible ». C’est pas vraiment un ouvrage, c’est un tout petit guide (plus petit qu’un format livre), qui donne de très bons conseils 🙂
      Laetitia

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    2. Dans Les 20 Conseils Pour Devenir Un Pro Dans L’écrit, L’expression ‘cet Article Est Intéressant’ doit Etre Evitée. L’emploi De ‘ce,cet Et Cette’,est Proscrite.Il faut La Supprimer Ou Montrer En Quoi L’article L’est. Comment et Pourquoi Alors Vous L’utilisez. Pratiquons Les Règles Même Dans Notre Parler Pour Faciliter La Compréhension. Merci.

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  4. Bonjour,
    Je veux demander comment rédiger un résumé d’ un article qui contient plusieurs formules mathématiques. est ce que je dois les indiquer dans mon résumé, sinon comment faire?
    Je vous remercie pour votre aide.
    Cordialement.

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    1. Bonjour. Il faudrait lire d’autres résumés de mathématiques pour voir si les formules sont intégrées dans le résumé. Moi je dirais oui, mais il faut vérifier.

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  5. Bonjour:
    Cet article est tré intéressant:
    J ai 4 questions
    1)Définition style-objet dans la médiation scientifique?
    2)Définition style-sujet dans la médiation scientifique?
    3)Quels sont les qualités de l’écriture du texte scientifique?
    4)souvent;durant sa scolarité l’élevé ;étudiant ou ingénieur a pu entendre que ses productions écrites au niveau de style qu ‘elles comportaient des problèmes de styles.expliquer la manière d ‘utiliser la langue aux scientifiques pour dépasser l’echec
    MERCI DE VOTRE AIDE

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    1. Bonjour Makengo, le nombre de pages est fixé par la revue dans laquelle vous soumettez votre article, généralement c’est entre 10 et 30p environ

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  6. Bonjour,

    L’article est super sympa et utile. Le français n’est pas ma langue maternelle et bien que je le parle, il y a beaucoup de subtilités qui m’échappent pour la rédaction scientifique. En même temps, presque toute ma bibliographie est en anglais, donc j’ai du mal à me donner une idée du français scientifique.
    Pour l’instant, je voudrais savoir ce vous recommandez par rapport au pronom à utiliser dans des phrases du type « J’ai réalisé une enquête de terrain » C’est mieux d’utiliser ou ou une autre option?
    Mon plus grand problème ce sont les sujets inanimés et d’éviter les passives. Je dirais naturellement « Les participants ont été informés » pour m’éviter de choisir entre et dans la phrase « quelqu’un a informé les participants », mais c’est vrai que c’est imprécis et fatigant. Mais j’ai peur aussi de commencer chaque phrase de ma thèse par un :S

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    1. Salut,
      Merci pour ton message. Bon, tu écris le français comme un natif, félicitation !!!
      Dans la thèse, souvent le choix entre le JE ou le NOUS dépend des usages dans la discipline et aussi de la préférence du directeur de recherche.
      Si tu choisis le JE, effectivement, il ne faut pas en mettre partout sans quoi ça ferait « prétentieux ». Donc, l’idée est d’utiliser parfois le JE et parfois la voix passive. « j’ai réalisé une enquête de terrain » et « Les participants ont été informés par courriel…. » c’est très bien, je ne vois pas où est le soucis, les deux formulations sont compatibles. Je te conseille de mettre des JE partout et quand tu relis, si tu trouves que ça fait trop de JE, tu changes quelques phrases en voie passive

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  7. je viens d »etre édifier pour les 20 conseils nous prodigués pour la rédaction d’ une publication scientifique.Merci beaucoup.

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  8. Je vous remercie tout d’abord pour ces conseils très considérables .J’ai énormément appréciée les remarques . J’aimerai mieux m’approfondir sur les conseils , en fait j’ai voulu accéder à l’ouvrage de Ferreux (2009) mais sans vain .
    je serai très reconnaissante monsieur si vous pouvez me l’envoyer .

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    1. Bonjour
      Merci pour votre message. je suis une madame pas un monsieur 😀
      Je n’ai pas son ouvrage en version numérique, je l’avais acheté sur Amazon
      Merci
      Laetitia

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  9. bonjour,en lisant ces conseils,je suis obligé de vous posez cette question: peut on avoir une qualité ou les caracteristiques standards d’une écriture scientifique?si oui un bref commentaire svp! merci

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      1. ok,si je comprend bien, les éléments cités sont les carasteristiques de l’ecriture scientifique meme. pourtant je pensais que l’article nous met en garde sur ce qu’il faut eviter s’il faut écrire scientifiquement.c’est que vous m’avez compris sinon vous n’allez pas mes dire que.merci meme cela ne me permet pas de cerner exactement ce qui caractétrise l’ecriture scientifique.je suis etudiant en master

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  10. Merci pour votre article qui permet d’approfondir la réflexion sur ce sujet. Je le mets dans la compil’ que je fais pour mon neveu qui trouve qu’il a du mal à écrire 🙂

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      1. Il vient de finir son Master en égyptologie et je fais une recherche pour lui sur l’écrit universitaire. Je suis professeur de français en collège…alors je trouve le sujet passionnant 🙂

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