Pédagogie Universitaire

De l’université au Learning Lab


L’UNIVERSITE EN 2030

Voici ma contribution à EduLab lancé et organisé par l’Institut Français de l’Education (Ifé).

INTRODUCTION. Nous sommes en 2030, les universités ont laissé place aux Learning lab. Les étudiants travaillent seuls ou en groupe à l’atteinte des objectifs d’apprentissage qu’ils se sont eux-mêmes fixés, accompagnés par des personnes ressources.

Des filières thématiques. Nous sommes passés des filières disciplinaires aux filières thématiques. L’organisation en filières thématiques a beaucoup plus de sens compte tenu du fait que la vie elle-même, sociale, citoyenne et professionnelle, n’est pas cloisonnée en discipline. Ainsi, dans chaque Learning lab, l’étudiant peut choisir une ou plusieurs filières thématiques : par exemple, la filière « Ingénierie », la filière « Qualité » ou encore la filière « Développement ». Cette dernière inclut notamment de l’économie, de la géographie, de l’histoire, de l’éducation et de la comptabilité.

Des personnes ressources. Le terme « enseignants » a été jugé complétement obsolète parce qu’ils n’enseignaient plus depuis bien longtemps déjà. « Enseignant » a donc laissé place au terme « PR » (Personnes Ressources). Les PR sont composés d’universitaires et de professionnels, ils ont un rôle d’accompagnateur, de guide, de médiateur et de facilitateur d’apprentissage. Pour chaque filière, les PR travaillent en équipe et en synergie pour définir les compétences à acquérir par les étudiants pour l’obtention de leurs paliers.

Les paliers. Au sein d’une même filière, il y a plusieurs paliers avec des niveaux crescendo. Un palier est validé et acquis lorsque l’étudiant a montré la preuve de l’acquisition des compétences attendues. Un palier peut être obtenu en 6 mois comme en 5 ans, l’unité de temps n’est plus la référence. Le redoublement, la semestrialisation, le LMD et le rattrapage n’existent plus parce qu’ils n’ont plus de sens, ce qui importe étant l’acquisition des compétences par l’étudiant.

Les étudiants définissent leurs objectifs d’apprentissage. Pour acquérir les compétences attendues et donc valider leurs paliers, l’étudiant choisit de travailler seul ou en groupe et commence par définir ses propres objectifs d’apprentissage. Les PR les accompagnent bien évidemment dans cette tâche très complexe.

Le portfolio réflexif. Une fois les objectifs d’apprentissage validés par les PR, chaque étudiant, qu’il travaille seul ou en groupe, peut commencer son portfolio réflexif. Il s’agit d’un document dans lequel il fait état de son cheminement réflexif sur ses actions, ses rencontres ou ses lectures. Il y compile également toutes les ressources qui l’ont aidées dans l’atteinte des objectifs d’apprentissage qu’il s’était fixé. Les ressources sont variées : articles, ouvrages, stages, projets, formations, discussions avec des experts, ateliers, visites en entreprise, internet, etc. Les sessions d’examens ont complètement disparu, l’étudiant qui se sent prêt demande une validation de ses compétences. Les PR évaluent alors les compétences acquises via quelques mises en situation et l’analyse du portfolio réflexif.

Un environnement pédagogique. Parler de « salle de cours » n’est plus approprié puisqu’il n’y a plus de cours. Un environnement pédagogique est mis à la disposition des étudiants : on y trouve des salles d’accompagnement, des salles de pairagogie, des salles de stand up scientifique, des salles de socialisation, des salles de repos et des salles d’activités. Elles sont ouvertes 24H/24, 7 jours sur 7.
Les salles d’accompagnement : dans cette salle, les étudiants sont assurés d’y trouver des PR pour les aider, les guider et les accompagner. A noter que les PR sont aussi présents dans les autres salles.
Des salles de pairagogie : ces salles sont conçues pour favoriser l’apprentissage par les pairs. Bien évidemment, les tables, les chaises et les murs sont mobiles. L’espace et le mobilier sont au service de l’apprentissage. Les salles de pairagogie sont équipées d’ordinateurs portables, de tablettes et de nombreuses prises électriques. Il y a aussi des caméscopes et de la visioconférence, très utile pour les étudiants qui souhaitent travailler à distance ou pour discuter avec des experts à l’autre bout de la planète. Tous les murs sont des tableaux valeda et les tables sont de grosses tablettes tactiles. Tous ces équipements fonctionnent à l’énergie solaire.
Les salles de stand up scientifique : il s’agit d’une salle de théâtre, toute personne peut s’inscrire pour venir sur la scène et faire son stand up scientifique, qu’ils soient PR ou étudiant. Les interventions ne dépassent pas 5 mn et sont suivis d’une discussion avec la salle. Les stand up portent sur des thèmes variés, ils se suivent en continue 24h/24, 7 jours/ 7 et sont ouverts au grand public.
Les salles de socialisation : les étudiants se rencontrent ici pour faire connaissance, papoter, partager, réseauter. Cette salle est un endroit chaleureux, très colorée et remplie de fauteuils confortables et de plantes vertes. Il y a aussi des animaux et notamment des chats. Cette présence animal favorise le dialogue entre étudiants et apaise leurs stress et leurs angoisses.
Les salles de repos : les étudiants viennent y faire une petite sieste à toute heure de la journée.
Les salles d’activités : les étudiants peuvent venir faire du pingpong, du tennis, de la natation, de la méditation, de la peinture, de la cuisine etc. Ces salles sont en accès libre et ouvertes 24h/24.

Issu de mon site « La thèse nuit gravement à la santé » (www.PhDelirium.com)

11 réflexions au sujet de “De l’université au Learning Lab”

  1. Article très intéressant. Le Learning Lab. va nécessiter beaucoup de moyens et sa mise en œuvre va bouleverser énormément les habitudes. Quel rôle va jouer l’administration universitaire ?

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    1. Bonjour Edith 🙂
      Oui effectivement, on a encore quelques années devant nous 🙂
      L’administration peut servir de soutien, de relais et d’informations

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  2. Bravo pour cette vision, décoiffante ! Tu t’es inspirée de pratiques déjà existantes pour trouver les idées ? Je serai curieuse de savoir à quelles sources tu as puisé pour concevoir cette université 3.0 !

    Merci!

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    1. Salut
      Merci :))
      Je me suis inspirée 1) de l’idée des enseignements transversaux qui vont être mis en place en Finland, 2) de la Nottingham Tren University en Angleterre qui a installé une ferme sur le campus pour réduire le stress des étudiants, 3) des FabLab et Learning Lab qui existent en France et ailleurs; pis 4) j’ai mélangé avec une bonne dose d’imagination 🙂

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  3. Salut Laetitia
    Belle vision prospective de l’avenir éducatif ! Mais tout cela demande une grande autonomie pour l’apprenant dans son acte d’apprentissage…Permet moi d’être sceptique quand à sa généralisation. Il faudra des apprenants autonomes, motivés, ayant déjà de bonnes bases intellectuelles pour s’adapter à ce contexte très innovant, ce qui est loin d’être le cas pour tout le monde.

    Bonnes fêtes de Noël 😉

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    1. Salut Alain 🙂
      Pour moi la motivation est la clé. Si on leur propose de s’investir comme ils veulent sur ce qu’ils veulent alors ils seront engagés dans le processus

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  4. Bonjour Laetitia,

    Effectivement il y a des idées qui reflètent la tendance observées aujourd’hui, je suis d’accord, notamment tout ce qui concerne les modes d’enseignement (plus souple, avec plus de divertissements sur le lieu même d’apprentissage) et qui répondent surtout à l’évolution des étudiants pour qui le plaisir est tjrs plus important que l’effort.
    J’aime bcp l’idée des thématiques plutot que des disciplines, et de la limite préfixée du temps d’apprentissage qui disparait. Pour moi, les points faibles de cette analyse reposent sur la responsabilisation de l’apprenant, comme Alain le suggère. Et la motivation ne fait pas tout : combien d’étudiants faiblement motivés tiendront le coup, dans la longueur ? surtout qd il y a les jeux à côté, les amis qui discutent, etc. ? On le constate déjà avec nos étudiants qui partent en semestre à l’étranger, où il y a une plus grande autonomie. Ils se font souvent déborder par les loisirs et la vie facile. Certains ont besoin de cadre un peu rigide pour apprendre, donc sans doute faudra-t-il tjrs offrir d’autres alternatives d’encadrement, moins flexibles, plus contraints, quitte à ce qu’on prenne des choix pour eux. Car il y aura sans doute les 2 types de population d’apprenants, à mon avis.
    Je crois aussi que ton idée de « portfolio réflexif » demande un peu à être approfondi. C’est le point d’achoppement de ces nouveaux apprentissages à la carte… Mon idée est qu’avec la suppression de l’équation {diplôme = bagages de compétences}, les périodes d’essai des recruteurs seront bcp plus évoluées qu’aujourd’hui, avec ce qu’on pourrait envisager comme des « examens de mises en situation », différents tests techniques et comportementaux, etc. puisqu’il n’y aura plus aucun moyen de savoir clairement les compétences des candidats…

    En tout cas merci pour ces idées, et à bientot sur ton blog, tjrs très intéressant !

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    1. Bonjour Veronique
      Merci beaucoup pour ton message 🙂
      Je t’avoue que je ne sais pas si la sauce prendrait pour des étudiants de première année. Pour que ca fonctionne, je pense qu’il faut qu’ils soient déjà habitués à ce système en amont (primaire, collègue et lycée). A mon sens, il ne faudrait pas juste revoir le fonctionnement de l’université mais l’ensemble du système éducatif, faire en sorte que les élèves puis les étudiants deviennent des entrepreneurs de leur propre formation.
      Autant dire que c’est pas pour demain 😀

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  5. Merci pour ce blog très intéressant et instructif.
    Votre illustration sur le « musée de l’enseignement supérieur » me fait toutefois froid dans le dos: pour exister, les pédagogies actives doivent-elles nécessairement s’essuyer les pieds sur l’enseignement vertical traditionnel ?
    A promouvoir l’horizontalité des échanges, on oublie une dimension fondamentale de la transmission : le rapport de séduction entre un orateur et son auditoire. On voit celui-ci clairement à l’œuvre, par exemple, dans les exposés filmés de ce M. Lebrun que vous citez à plusieurs reprises sur votre blog.

    Je suis universitaire, parent aussi. Je vois bien les profonds bouleversements qu’induisent les nouvelles technologies sur notre rapport au savoir. Avant cela, j’ai lu Montessori, Freinet. Et je suis d’accord pour prendre au sérieux cette révolution copernicienne qu’on nous annonce sur la façon dont nous enseignons.

    Mon domaine, les mathématiques, est particulièrement exposé à ces questions, car on y trouve le meilleur (une éducation élitiste qui, même si le critère de nationalité est fallacieux, fait de la France un pays de tout premier plan et de Paris la capitale mondiale des maths) et le pire (en dehors de cette ultra-minorité, un effondrement dramatique des compétences de nos élèves dans tous les classements, PISA et autres).
    Notre enseignement de cette discipline et notre organisation en tant que communauté reflètent cette réalité: vertical à l’extrême, ultra-compétitif, individualiste.
    Il y aurait beaucoup à dire : sur l’égalité des chances ou la pertinence du modèle.

    Mais je voudrais quand même vous alerter du point suivant qui me parait essentiel: bien qu’il faille les écrire, les lire, on apprend (les maths, mais je pense que c’est plus général) avant tout de manière orale : un enseignant, un collègue, à un moment, vous explique sa vision, sa représentation. Et si elle est pertinente, elle vous reste à jamais en mémoire.
    Cela, ni Gutenberg, ni Internet n’y ont jamais rien changé. Socrate est toujours là en nous. Oublier cette dimension purement subjective et verticale de ce qui est au moins en partie, je le répète, un rapport de séduction, me parait au mieux naïf, au pire très dangereux.

    Bien à vous

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