Evaluation de projets

Evaluer un projet via la cartographie des incidences : alternative au cadre logique

Dans un précédent article, nous avons vu comment construire un cadre logique pour la gestion et l’évaluation de projet. Dans cet article, nous examinerons une alternative au cadre logique : la cartographie des incidences.

1. Qu’est-ce que la cartographie des incidences?

L’évaluation « traditionnelle » d’un projet consiste généralement à évaluer son impact sur le développement du pays. On se situe alors à un niveau macro, et ce genre d’impact ne peut s’observer qu’à long terme. Or, les exigences des bailleurs de fonds imposent souvent une évaluation à la clôture du projet, ce qui amène l’évaluateur à considérablement simplifier l’impact réel du projet sur le développement du pays. En outre, l’attribution des impacts au projet devient difficile en raison de l’influence de nombreux autres facteurs.

  • EXEMPLE – Méthode d’évaluation classique : taux de fréquentation scolaire avant et après l’intervention du projet, performances académiques des élèves.

La cartographie des incidences vise un objectif plus modeste et en amont de l’impact : elle se concentre sur la modification des comportements, des relations et des activités des individus, groupes et organisations avec lesquels le projet travaille directement (niveau micro). Elle repose sur le principe suivant : si les actions du projet parviennent à modifier les comportements des acteurs, les effets du projet seront significatifs et durables. Ce sont les acteurs qui influent sur le changement, tandis que le projet ne fait que faciliter ce processus en offrant des ressources et des opportunités nouvelles.

  • EXEMPLE – Cartographie des incidences : comment le projet a influencé les attitudes des parents envers l’éducation de leurs enfants, comment il a renforcé les liens entre l’école et la communauté.

2. Les trois stades de la cartographie des incidences

La cartographie des incidences est une méthode complète de planification, de suivi et d’évaluation. Il est recommandé de la mettre en œuvre dès le début du projet. La cartographie des incidences comporte trois stades. Nous verrons ici uniquement le premier stade, il s’intitule « la définition des intentions ». Ce stade répond à quatre questions essentielles :

  • Pourquoi? Quelle est la vision d’avenir visée par le projet? (= étapes 1 et 2) ;
  • Qui? Qui sont les acteurs impliqués? ( = étape 3) ;
  • Quoi? Quels changements sont recherchés? (= étape 4 et 5) ;
  • Comment? Comment le programme contribuera-t-il au processus de changement? (= étapes 6 et 7).

2.1. Etape 1 : Définition de la vision d’avenir

Quel est l’idéal à atteindre? La vision d’avenir du projet décrit les grands changements qu’il vise à promouvoir, incluant des transformations économiques, politiques, sociales ou environnementales, ainsi que des changements de comportement chez les partenaires clés. Elle représente l’idéal vers lequel aspire le projet. Elle sert de guide pour orienter ses activités et assurer leur alignement avec ses intentions.

  • EXEMPLE : Dans chaque communauté, l’éducation est un pilier fondamental, garantissant à tous les enfants un accès équitable à des opportunités d’apprentissage de qualité. Les écoles deviennent des centres d’innovation et d’épanouissement personnel, où les enseignants sont soutenus et les ressources sont abondantes. Les élèves sont encouragés à développer leur créativité, leur pensée critique et leur empathie, préparant ainsi une génération capable de relever les défis du monde moderne avec confiance et compassion…

2.2. Etape 2 : Définition de la mission

Comment atteindre cet idéal? La mission décrit comment le projet va appuyer la réalisation de la vision, en identifiant les domaines spécifiques d’intervention.

  • EXEMPLE : Conformément à la vision d’avenir, le projet doit s’efforcer d’améliorer les pratiques éducatives dans les écoles urbaines à faibles revenus en renforçant les compétences des enseignants et en intégrant les technologies éducatives. En collaboration avec les autorités locales et les ONG, il développera des programmes de formation continue, concevra des curriculums adaptés …

2.3. Etape 3. Les partenaires limitrophes

Qui sont les partenaires limitrophes? Dans cette étape 3, on dresse la liste des partenaires limitrophes : il s’agit des acteurs directs avec lesquels le projet va devoir collaborer pour provoquer le changement. En les identifiant, le programme pourra ainsi concentrer ses efforts sur les relations clés nécessaires pour atteindre ses objectifs.

  • EXEMPLE : Les enseignants, les élèves, les parents et associations de parents d’élèves, les autorités scolaires et gouvernementales, les ONG, les institutions de formation des enseignants, les employeurs, les médias…

2.4. Etape 4. Incidences visées

Dans l’idéal, quels comportements sont attendus pour chacun de ces partenaires limitrophes ? Dans cette étape, on définit les changements de comportement attendus chez les partenaires limitrophes, si le projet atteint les résultats escomptés. Les incidences visées (= les comportements attendus) doivent être idéales mais réalistes.

  • EXEMPLE (partenaire limitrophes : enseignants) : Le programme souhaite que les enseignants adoptent des pratiques pédagogiques collaboratives, qu’ils collaborent étroitement pour concevoir des curriculum innovants, adaptés aux besoins des élèves. Les enseignants participent activement à des séances de formation continue et à des ateliers professionnels pour développer leurs compétences…

2.5. Etape 5. Marqueurs de progrès

Pour chaque partenaire limitrophe, quel serait le comportement attendu, souhaité et idéal? On définit des marqueurs de progrès pour suivre l’évolution des changements de comportement chez les partenaires limitrophes. Ces marqueurs sont des indicateurs qualitatifs de la modification du comportement, organisés sur trois niveaux : 1) niveau 1 : ce que l’on attend, au minimum ; 2) niveau 2 : ce que l’on souhaite ; 3) niveau 3: ce que l’on aimerait, sans l’idéal.

  • EXEMPLE (partenaire limitrophe : enseignants)

2.6. Etape 6. Grilles stratégiques

Quelles stratégies va t-on utiliser pour que le projet contribue à la concrétisation des incidences visées? Pour répondre à cette question, on élabore une grille stratégique, qui se compose de 6 cases. Les trois cases du haut de la grille portent sur des stratégies axées sur les individus. Ces cases sont libellées : I1, I2 et I3. Les trois cases du bas portent sur des stratégies qui visent l’environnement, étant donné que l’environnement influence le changement des comportements. Ces cases sont libellées E1, E2 et E3.
– Cases I1 et E1 : Stratégies axées sur les causes et les effets ;
– Cases I2 et E2 : Stratégies axées sur la persuasion ;
– Cases 13 et E3 : Stratégies axées sur l’établissement de réseaux de soutien.

  • EXEMPLE. Voici l’exemple d’une grille stratégique d’un projet fictif.

2.7. Etape 7. Pratiques organisationnelles

Comment faire pour que le projet soit le plus efficace possible? Cette étape consiste à définir les actions concrètes à mettre en oeuvre, en interne, au sein de l’équipe projet, pour créer un environnement propice à l’atteinte des changements escomptés.

  • EXEMPLE : L’équipe communique ouvertement sur les progrès et les décisions prises, elle se réunit tous les 3 mois pour discuter des progrès réalisés…

Lire la suite : « Cartographie des incidences (2): « Le journal des incidences« 

Dr Laetitia GERARD

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