LE JEU DE ROLE : C’EST QUOI?
Le jeu de rôle est une activité d’apprentissage lors de laquelle deux ou plusieurs étudiants sont amenés à jouer un rôle imposé par l’enseignant, dans une scène fictive improvisée qui représente une situation réelle de la vie personnelle, professionnelle ou citoyenne (Vanpee, Godin, & Lebrun, 2008).
Pour l’étudiant « acteur », cette activité lui permet de 1) se mettre à la place d’autrui ; 2) de vivre une situation complexe dans un environnement bienveillant ; 3) d’analyser et de discuter la posture jouée, avec l’enseignant et ses pairs, afin d’évoluer d’un point de vue cognitif, affectif ou psychomoteur.
Pour les étudiants observateurs, cette activité permet de poser un regard critique et analytique sur la posture adoptée par l’étudiant « acteur ». Lors du debriefing, les discussions avec l’enseignant et entre pairs leur permettent de consolider leurs acquis et de développer de nouvelles connaissances.
LE JEU DE ROLE POUR FAVORISER DES APPRENTISSAGES DE HAUT NIVEAU
Le jeu de rôle fait partie des activités pédagogiques qui favorisent chez l’étudiant des apprentissages en profondeur, c’est à dire de haut niveau. En m’appuyant sur quelques auteurs (Lasnier, 2000; Pregent, Bernard, & Kozanitis, 2009; Vanpee, et al., 2008), je vous propose ici un moyen mnémotechnique pour retenir les caractéristiques d’une activité pédagogique qui favorise un apprentissage en profondeur : les étudiants doivent être ACCCTIFS !
– Application : l’activité permet à l’étudiant d’appliquer ses connaissances acquises ;
– Contextualisée : l’activité est inscrite dans un contexte réaliste ;
– Complexe : l’activité représente une situation de la vie courante, professionnelle ou citoyenne, dans toute sa complexité, avec les règles, l’éthique, le comportement humain, le budget, etc. ;
– Construction : l’activité favorise la mobilisation des connaissances et des comportements antérieurs de l’étudiant, et favorise la construction de nouvelles connaissances, nouveaux comportements ou attitudes. Ce que j’appelle comportements et attitudes, ce sont ici les savoir-faire, savoir-être et savoir-agir (en situation) ;
– Transfert : l’activité permet de développer des connaissances ou des comportements qui seront utiles dans d’autres contextes, en dehors de la classe ;
– Innovation et jugement : l’activité propose plusieurs réponses/solutions/productions possibles ;
Feedback : l’activité favorise la consultation, la rétroaction et l’amélioration de l’étudiant, grâce aux retours constructifs de l’enseignant et de ses pairs ;
– Signifiante : l’activité fait sens pour les étudiants, ils peuvent faire des liens par exemple, avec d’autres disciplines, leur vie personnelle ou l’actualité.
Le jeu de rôle correspond à ces caractéristiques. Les étudiants, acteurs et observateurs, sont amenés à mobiliser leurs ressources internes – savoir, savoir-faire, savoir-être – pour construire de nouvelles connaissances ou développer de nouveaux comportements (application, construction). Le jeu de rôle est une scène simulée qui représente une situation de la vie personnelle, professionnelle ou citoyenne (contextualisé, complexe, transférable, innovation et jugement, signifiante). À l’issue du jeu de rôle, le debriefing permet à l’enseignant et aux pairs de donner des retours sur la prestation en vue de faire évoluer les connaissances ou les comportements (feedback).
LE JEU DE ROLE COMME ACTIVITE MOTIVANTE
Le jeu de rôle favorise par ailleurs la motivation des étudiants. Je m’appuie ici sur les recherches de Viau (1994) qui a travaillé sur les facteurs motivationnels en classe. Selon lui, il y a trois principales variables qui influent sur la motivation des étudiants :
Avec le jeu de rôle, les étudiants perçoivent le sens et l’intérêt de cette scène simulée parce qu’ils peuvent la rencontrer dans leur vie personnelle, professionnelle ou citoyenne (perception de la valeur). Ensuite, s’agissant d’une improvisation, l’étudiant contrôle totalement son rôle, tout comme les observateurs qui, lors du debriefing, peuvent s’exprimer librement (perception de la controlabilité). Enfin, pour accroitre le sentiment de compétence, l’enseignant devra veiller à les accompagner préalablement dans le développement de certaines compétences comme la prise de parole en public ou l’organisation de ses idées.
DEROULEMENT DU JEU DE ROLE EN TROIS PHASES
– Première phase : introduction
Durant cette phase, l’enseignant précise le type de jeu de rôle, l’objectif d’apprentissage visé par le jeu et les rôles attribués à chacun des étudiants « acteurs ». L’enseignant explique également le type de feedback qui est attendu par les observateurs : sur quoi doivent-ils porter leur attention ?
– Deuxième phase : le jeu
L’enseignant peut commencer le jeu de rôle en utilisant une phrase d’introduction pour mettre dans l’ambiance. Il est possible de faire des pauses dans le jeu pour réorienter le discours.
– Troisième phase : le feedback
Les étudiants « acteurs » donnent leur feedback sur leur prestation, puis c’est au tour des observateurs. Le debriefing porte sur des éléments bien précis, annoncés aux observateurs en amont du jeu (cf. Exemple ci-dessous). La discussion partira du cas particulier qui s’est déroulé dans le jeu de rôle pour aller vers une discussion autour de notions plus générales ou globales.
QUELQUES JEUX DE ROLE A FAIRE EN AMPHI
– Scène unique un à un : En amphi, il est possible d’organiser une scène simple, un à un, c’est-à-dire avec deux étudiants l’un en face de l’autre. On peut alors imaginer un premier debriefing des observateurs en binôme ou trinôme avant de procéder à un deuxième debriefing avec l’ensemble de l’amphi.
– Scène unique collective : Sur l’estrade, plusieurs étudiants sont face à plusieurs étudiants. On peut ajouter un relais, en faisant se succéder d’autres étudiants qui viendront remplacer les étudiants qui jouent sur l’estrade.
– Scènes multiples : On peut envisager aussi des scènes multiples en trinôme avec inversion, c’est-à-dire que tous les étudiants de l’amphi jouent le jeu de rôle simultanément, en trinôme, puis inversent leur rôle. Ce type de jeu de rôle a l’avantage de faire participer tous les étudiants et de leur faire jouer plusieurs postures (Girard, Clavet, & Boulé, 2005).
EXEMPLES DE JEUX DE ROLE EN MEDECINE
– Objectif d’apprentissage : Aborder le sujet des toxiques avec un patient et gérer l’entourage pendant un entretien.
– Déroulement : un étudiant joue le médecin, une autre le patient et un troisième le proche du patient.
→ Le médecin : il est interne en psychiatrie et reçoit un patient dans le cadre de sa consultation.
→ Le patient : il joue le rôle d’un jeune patient venu consulter à la demande de sa famille. Il ne présente pas d’élément de gravité psychiatrique et consomme de façon excessive de l’alcool en soirée sans troubles du comportement ni actes m dico-légaux. Il joue un patient assez « passif », sans réelle demande de soins, mais non opposant.
→ Un proche: il joue le rôle du parent inquiet amenant son enfant en consultation chez le psychiatre. Il joue le parent angoissé et se montrer envahissant dans l’entretien (prises spontanées de parole, réponses à la place du patient, questions directes et insistantes au thérapeute, etc.). Il en vient à faire une demande déraisonnée de scanner cérébral en urgence.
– Thèmes/notions qui peuvent être abordés pendant le débriefing
→ Espace de pensée : environnement physique et psychique permettant la réflexion.
→ Intérêt de voir le patient seul.
→ Comment laisser temporairement le tiers en dehors du bureau.
→ Ne pas avoir d’attitudes « excluantes » ou rejetantes envers la famille.
→ Recherche du demandeur de soins : le patient ou son proche ?
→ Secret médical et partage d’information avec les tiers.
→ Savoir refuser une demande d’examen complémentaire non justifiée sur le plan médical. (Exemple issu de Blinder, 2010)
EXEMPLES DE JEUX DE ROLE EN SCIENCES POLITIQUES
– Objectif d’apprentissage : Argumenter selon les contraintes du débat public
– Déroulement : Pour ou contre l’adoption par des couples homosexuels ?
→ Première phase : La classe est d’abord scindée arbitrairement en deux : un camp favorable et l’autre défavorable. Durant une première heure, les étudiants travaillent, dans chaque camp, par groupe de trois à repérer les principaux arguments qui pourront être utilisés dans le débat, sur la base d’une documentation remise par l’enseignant. Ils sont notamment invités à trier ces arguments selon qu’ils relèvent plutôt de l’observation (faits), de l’évaluation(jugement de valeur) ou de la prescription (action). Chaque étudiant prépare aussi individuellement un argument, un contre-argument et une réponse possible à ce dernier.
→ Deuxième phase : Dans la deuxième heure, une simulation de débat entre les deux camps est organisée. L’enseignant plante le décor et fixe les règles du jeu. Un étudiant du camp A se lève et présente un argument. Un étudiant du camp B est alors invité à lui renvoyer un contre-argument. Un droit de réponse est accordé à l’étudiant du camp A. Puis, on procède de la même manière avec le camp B et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les arguments aient été épuisés.
→ Troisième phase : La troisième phase consiste en une analyse collective de la simulation et de ce que l’on peut en retirer en termes de compréhension des mécanismes du débat public. »
– Thèmes/notions qui peuvent être abordées pendant le débriefing
→ La nécessité d’accumuler des informations observables pour convaincre sur des faits
→ La nécessité d’avancer des arguments logiques
→ Les stratégies des acteurs et les systèmes d’idées et de valeurs qui s’affrontent (exemple issu du SPU, Namur)
POUR ALLER PLUS LOIN
– Bindler, L. (2010). Le jeu de rôle dans l’apprentissage de la relation médecin- malade en médecine. UPMC, Sorbonne Universités, Paris.
– Girard, G., Clavet, D., & Boulé, R. (2005). Planifier et animer un jeu de rôle profitable pour l’apprentissage. Pédagogie médicale, 6, 178-185.
– Lasnier, F. (2000). Réussir la formation par compétences. Montréal: Guérin Editeur.
– Pregent, R., Bernard, H., & Kozanitis, A. (2009). Enseigner à l’université dans une approche-programme. Un défi à relever. Montréal: Presses internationales polytechnique.
– Un exemple de méthode active: le jeu de rôle. (Sept 2007). Réseau, Revue au service de l’enseignement et de l’apprentissage à l’université, SPU Namur, 64.
– Vanpee, D., Godin, V., & Lebrun, M. (2008). Améliorer l’enseignement en grands groupes à la lumière de quelques principes de pédagogie active. Pédagogie médicale, 9, 32-41.
– Viau, R. (1994). La motivation en contexte scolaire. St Laurent: Editions du renouveau pédagogique.
Dessin issu de mon Site www.phdelirium.com
Bonjour,c’est un très bon article
Merci pour le partage
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