Recherche de Laetitia Gérard & Marc Nagels
Questionnements et méthodologie
Tout au long de leur parcours doctoral, les doctorants rencontrent de nombreuses difficultés et obstacles (Fullick, 2011; Gérard, 2012; Lovitts, 2001; Nyquist et al., 1999) : difficultés financières, la pression de l’entourage ou du laboratoire, la solitude sociale et intellectuelle, l’avenir incertain, des difficultés liées à l’appropriation de la culture scientifique (socialisation), le travail intensif, etc. Les recherches de Nyquist et al. (1999) et de Bégin et Gérard (2013) montrent à quel point les doctorants se sentent seuls pour les affronter. Ces difficultés et obstacles que les doctorants franchissent en solitaire sont générateurs de stress (Erlich, 2000; Haag, 2012).
Comment les doctorants gèrent-ils le stress lié à leur doctorat ? La littérature scientifique reste assez pauvre sur ce sujet. Or, bon nombre de témoignages de doctorants sur Internet abordent leur surconsommation de certains produits, tels que le café ou l’alcool, comme un moyen de « tenir le coup ». Notre questionnement est le suivant : les doctorants gèrent-ils leur stress par la surconsommation de certains produits qui pourraient nuire à leur santé ? Nous avons fait passer un questionnaire en ligne auprès des doctorants. Quatre cent trente-huit doctorants y ont répondu, toutes disciplines confondues.
Résultats
Les doctorants disent avoir augmenté leur consommation de café, de sucreries (bonbons/chocolat), de vitamines, d’alcool et de tabac depuis leur entrée en doctorat. Pour la consommation de café, 51,05% des doctorants ont choisi les modalités suivantes : « j’en consomme plus qu’avant » ou « je n’en consommais pas avant et maintenant j’en consomme ». 32% des doctorants ont choisi ces mêmes modalités pour leur consommation de bonbons/chocolat, 23,06% pour la consommation de vitamines, 18,27% pour l’alcool et 17,48% pour le tabac.
Les résultats indiquent des corrélations significatives entre le niveau de stress perçu, le sentiment d’avoir développé une addiction depuis l’entrée en doctorat et l’année d’inscription en doctorat.
Au niveau de la variable sexe, les résultats montrent que les doctorantEs se disent plus stressées que leurs homologues masculins, mais que les modes de consommation des doctorants hommes sont orientés plus spécifiquement vers l’alcool et les boissons stimulantes. Enfin, une typologie des doctorants a pu être établie : elle suggère que les doctorants qui disent avoir consommé davantage de produits (café, alcool, tabac, vitamines, antidépresseur, etc.) depuis leur entrée en doctorat sont aussi ceux qui ont évalué leur niveau de stress de manière élevée. C’est particulièrement vrai à l’issue des trois années d’inscription. Dans un souci de prévention, une attention particulière pourrait être portée à ces doctorants qui développent des stratégies de coping dysfonctionnelles à base de produits psycho-actifs. Des actions de prévention et de réduction des risques pourraient ensuite se concevoir avec les services de santé qui opèrent dans les universités.
Article à lire: ICI
Dessin issu de mon site La thèse nuit gravement à la santé
1 réflexion au sujet de “Gestion du stress chez les doctorants : vers la surconsommation de certains produits qui pourraient nuire à leur santé ?”