Doctorat, Pédagogie Universitaire

Les formations à la pédagogie pour les doctorants sont-elles utiles ?

Ce billet fait suite à celui qui est intitulé « Former les doctorants à la pédagogie». Dans ce précédent billet, j’explique pourquoi il est essentiel de former les doctorants à la pédagogie, je décris les formations pédagogiques qui sont proposées aux doctorants dans la sphère francophone (hors France) pour proposer ensuite des pistes de formation/accompagnement pédagogique.
En janvier 2012, j’ai été sollicitée par le collège doctoral de l’université de Lorraine pour réorganiser la formation pédagogique des doctorants contractuels chargés d’enseignement. Pour cela, j’ai fait appel à deux autres formateurs (Jean-Pierre Aumonier et Antoine Derobertmasure) pour animer avec moi les trois ateliers pédagogiques suivants : 1) comment préparer un cours, 2) comment animer un cours et 3) comment évaluer les apprentissages. Vous trouverez le détail de ces formations ICI, que j’ai nommées le « kit de survie pédagogique ». Bien que je ne travaille plus à l’université de Lorraine, je continue d’y animer ces formations. *Et là, c’est le moment où j’en profite pour faire passer subtilement un message « je recherche des missions de consultance dans le domaine de la formation doctorale ou de la pédagogie universitaire 🙂 »*
Objectif de l’étude: Les ateliers pédagogiques contribuent-ils à faire évoluer les conceptions de l’enseignement chez les doctorants ? J’ai mené ma petite enquête en m’appuyant sur la recherche de Demougeot-Lebel et Perret (2008).


Des ateliers pédagogiques pour faire évoluer les conceptions de l’enseignement

Chaque enseignant a sa propre conception/représentation de l’enseignement. Certains ont une conception davantage magistro-centrée, c’est-à-dire centrée sur le savoir : « enseigner c’est transmettre des connaissances ». D’autres ont une conception davantage pédo-centrée, c’est-à-dire centrée sur l’apprenant : « enseigner c’est accompagner l’étudiant, créer des conditions favorables à l’apprentissage » (Frenay, 2006; Kember, 1997).
Trigwell, Prosser et Waterhouse (1999) montrent que la manière dont l’enseignant envisage l’enseignement (sa conception) va influer sur la manière dont l’enseignant va enseigner  (son approche) (Langevin, 2007; Trigwell & Prosser, 2004). L’enseignant qui a une conception davantage magistro-centrée de l’enseignement, dans sa pratique, se centre principalement sur le contenu, il transmet ses connaissances de manière plutôt magistrale, dans une action unilatérale. L’enseignant qui a une conception de l’enseignement davantage pédo-centrée, a une approche principalement centrée sur l’étudiant, il les accompagne dans leurs apprentissages à l’aide de méthodes pédagogiques actives (Demougeot-Lebel & Perret, 2010; Frenay, 2006). Dans un prochain billet je présenterai quelques unes de ces méthodes pédagogiques actives. L’approche pédo-centrée est « communément admise comme plus favorable aux étudiants pour développer des apprentissages plus nombreux et de meilleure qualité » (Demougeot-Lebel & Perret, 2010, p. 57).

Amener les doctorants à réfléchir sur leur conception de l’enseignement paraît donc essentiel 1) pour améliorer leur pratique d’enseignement; 2) et favoriser in fine un apprentissage de qualité chez l’étudiant.


Déroulement de l’étude

Les trois ateliers pédagogiques sont répartis sur une journée et demie. Ils sont obligatoires pour tous les doctorants contractuels chargés d’enseignement qui sont inscrits en première année. Avant de débuter les ateliers, un questionnaire a été distribué aux 67 doctorants présents. J’ai emprunté ce questionnaire à Demougeot-Lebel et Perret (2008). Il comprenait notamment la question suivante : « Quelle définition donnez-vous d’enseigner ? ». Un deuxième questionnaire leur a été distribué à la fin des ateliers pédagogiques, avec notamment la question suivante : « A l’issue de cette formation, avez-vous une conception différente de ce que signifie « enseigner » ? si oui, laquelle? »


Résultat : la moitié des doctorants disent que leur conception de l’enseignement a évolué

Avant les ateliers: premier questionnaire

Les réponses au premier questionnaire montrent que 54 doctorants sur les 67 ont une conception plutôt magistro-centrée de l’enseignement. Par exemple, pour 45 doctorants, enseigner c’est transmettre « transmettre son savoir », « transmettre des connaissances », « transmettre des compétences », « transmettre son savoir par la parole », « transmettre des connaissances que nous connaissons parfaitement à une personne/un public qui ignore le sujet ». Ces résultats confirment, sans surprise, les recherches menées dans le domaine, à savoir que les jeunes enseignants débutants se situent davantage dans une conception de l’enseignement magistro-centrée (Demougeot-Lebel & Perret, 2010; Kugel, 1993).

Après les ateliers: deuxième questionnaire

– A l’issue des trois ateliers, 34 doctorants sur 67 déclarent avoir la même conception de l’enseignement qu’avant. Parmi ces 34 doctorants, 27 étaient et restent dans une conception plutôt magistro-centrée de l’enseignement « enseigner c’est transmettre son savoir » et 7 étaient et restent dans une conception davantage pédago-centrée de l’enseignement « le but c’est vraiment l’apprentissage de l’autre ».
– 33 doctorants disent avoir une autre conception de l’enseignement. Parmi ces 33 doctorants, 6 étaient dans une conception plutôt pédo-centrée et restent dans cette conception. 27 doctorants étaient dans une conception plutôt magistro-centrée de l’enseignement et ont évolué vers une conception davantage pédo-centrée. Par exemple, 6 doctorants changent leur définition initiale et soulignent qu’enseigner va au-delà de la transmission « il ne s’agit pas que de transmettre de l’information, il faut aussi mettre en forme ce savoir et favoriser l’apprentissage ». Pour 5 doctorants, désormais « enseigner c’est apprendre à apprendre », 6 mentionnent l’idée d’adaptation, d’ajustement « s’adapter à l’environnement », « adapter son langage à celui des étudiants pour les faire progresser », « savoir se juger pour réajuster son cours si le public ne le reçoit pas comme on le souhaiterait ». 5 doctorants évoquent l’importance des interactions enseignant-étudiants « enseigner c’est créer un échange entre l’étudiant et l’enseignant » « interagir avec ses étudiant ». Enfin, l’utilisation de méthodes, d’outils d’enseignement est abordée par 6 doctorants « enseigner c’est apporter les outils nécessaires aux étudiants ».


Conclusion

Dans cette petite enquête, la moitié des doctorants disent avoir faire évoluer leur conception de l’enseignement vers une conception davantage pédo-centrée. Il serait intéressant d’étudier cette évolution à long terme, et les effets de cette évolution sur leur pratique réelle d’enseignement. Les ateliers pédagogiques sont essentiels pour bousculer les conceptions de l’enseignement, éveiller la curiosité pédagogique et l’envie d’innover. Néanmoins, si l’objectif est de développer la compétence d’enseignement, elles ne sont pas suffisantes. Dans ce cas, il est nécessaire de compléter les ateliers par un accompagnement pédagogique individualisé.

donner faim Dessin issu de mon site La thèse nuit gravement à la santé

3 réflexions au sujet de “Les formations à la pédagogie pour les doctorants sont-elles utiles ?”

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