Recherche de Laetitia Gérard & Christian Bégin
533 doctorants ont répondu à un questionnaire en ligne dans lequel ils devaient décrire leur parcours doctoral par le biais de l’utilisation d’une métaphore. Ce qui ressort de façon significative, c’est que plus de la moitié des doctorants (63%) ont fait appel à des métaphores ou à des descriptions qui suggèrent une épreuve ou un parcours : « le parcours doctoral c’est comme un rite de passage qui se vit dans une forêt sacrée avec sa violence symbolique », « C’est un chemin de croix », « c’est une longue traversée du désert ». Il s’agit d’une indication très forte que le doctorat se vit comme un processus qui requiert un degré élevé d’engagement. Ce sont également deux thèmes qui impliquent une action menée par le doctorant lui-même et qui souvent, par l’idée d’endurance qui y est associée, pour 63 d’entre eux, nécessitera un effort de longue haleine : « C’est un marathon, il faut trouver le bon rythme, ni trop rapide pour pas s’essouffler au bout de 6 mois, ni trop lent pour ne pas faire une thèse en 6 ans », « C’est un triathlon. Il faut pouvoir tenir dans la longueur », « C’est une course de fond avec une ligne d’arrivée qui donne l’impression de reculer au fur et à mesure que le temps passe et que les forces diminuent ».
Parmi les thématiques importante, 80 doctorants utilisent une métaphore qui associe l’idée de parcours ou d’épreuve avec celle d’obstacles : « La thèse c’est comme être rentré dans une forêt vierge. On commence à suivre un sentier dont on perd rapidement le tracé ce qui oblige à faire preuve de créativité et de prudence pour avancer vers son but », « C’est un chemin avec beaucoup de croisement sans panneaux signalétiques », « C’est une longue traversée du désert où les oasis sont rares et généralement des mirages ». Ces expériences ne se font donc pas sans heurts. Parmi les 153 doctorants qui utilisent une métaphore dans laquelle transparait l’idée d’expérience, 52 abordent également l’idée d’endurance/durée et 20 d’incertitude/inconnu. L’inconnu fait partie intégrante de l’expérience, que ce soit dans le processus dans lequel le doctorant est impliqué ou dans la finalité qui ne peut être envisagée : « Un premier saut en parachute, on ne sait pas où l’on va ni comment on y va », « C’est chercher à atteindre une destination sans gps et sans savoir où cela nous mènera vraiment ».
Une autre caractéristique importante ressort par le fait que 15 doctorants ont évoqué des situations ou des métaphores dans lesquelles les descriptions mentionnaient explicitement le fait qu’ils ne se sentaient pas ou très mal outillés et préparés pour affronter les situations : « se lancer dans un tour du monde en voilier et se rendre compte qu’on a le mal de mer … mais l’aventure vaut le détour », « creuser une montagne avec une aiguille », « Etre dans une petite barquette dans un océan et ramer à la main », « couper un arbre avec une hachette », « pédaler pour que l’avion s’envole », « être jeté dans le grand bain sans brassards ni maitre nageur ». D’une part, ils se sentent démunis, d’autre part, ils doivent se débrouiller par eux-mêmes. La présence de la notion de solitude (ou en solitaire) dans 37 métaphores et les explications qui les accompagnent évoquent très clairement cette perception : « Sombrer dans un monologue entre vous et votre travail », « Un désert de solitude », « Une retraite religieuse mais sans la paix spirituelle qui devrait être de mise »,« La traversée du désert social », « Etre seul dans un désert où il faudrait examiner chaque grain de sable afin de trouver ceux qui permettraient de bâtir un château solide ». Pour 50 doctorants, l’expérience doctorale est plutôt empreinte de conditions variables au cours du processus, en référant au fait qu’il y a des hauts et des bas : « C’est comme la météo: il y a des anticyclones et des dépressions!!! », « Un yoyo, moral tout en haut ou tout en bas », « Les montagnes russes, il y a des hauts et des bas », « Une sinusoïde », « Un tango, on s’approche on s’éloigne, on s’aime on se déteste, mais à la fin la dance doit être harmonieuse ». 49 doctorants utilisent une métaphore dans laquelle transparaissent les idées de développement/apprentissage/enrichissement : « Un filet d’eau qui se faufile dans les entrailles de la terre et qui fait son chemin en accumulant des connaissances et de l’expérience sur le monde humain et sur soi-même », « Le passage de l’enfant au stade adulte, en passant par l’adolescence, où on acquiert de l’expérience et l’on apprend à devenir autonome », « Ça bouleverse une vie, ça fait grandir, ça permet de se dépasser et c’est tellement passionnant », « Une parcours formateur, une expérience enrichissante qui fait devenir adulte ». Il est intéressant de remarquer que 70 doctorants ont utilisé une description qui permettait d’évoquer une appréciation qualitative explicitement positive de l’expérience du doctorat : « enrichissement continu », « le paradis » alors que 48 doctorants utilisent une métaphore qui fait référence à des thématiques purement négatives, par exemple : « prison », « enfer », « mauvaise odeur ».
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– Cet article a été repris dans Arabesque n°78 « Parcours de thèses en métaphores »
2 réflexions au sujet de “Les métaphores utilisées par les doctorants pour décrire leur parcours doctoral”