L’Université d’Avignon s’inscrit dans une stratégie de rénovation pédagogique de ses parcours de formation, notamment avec l’ambition de développer davantage la formation à distance. J’ai été sollicité par la mission APUI pour évaluer une de leurs innovations pédagogiques : l’enseignement hybride « le dispositif Flex-Hybrid ».
—– Le rapport d’évaluation complet est consultable ICI —–
Le dispositif Flex-Hybrid s’est déroulé en trois phases :
1) les enseignants sont invités à déposer un dossier de candidature avec le descriptif de leur projet. Un comité de valorisation se réunit pour étudier les candidatures. Une fois le projet accepté, l’enseignant bénéficie d’un accompagnement par la mission APUI pour la construction de sa formation hybride ;
2) les enseignants présentent leur projet finalisé devant le comité de valorisation, qui décide ou non de sa labellisation Flex-Hybrid. L’obtention de la labellisation donne le feu vert à l’enseignant pour dispenser son enseignement hybride ;
3) le dispositif est déployé. L’enseignant est invité par la suite à présenter son projet de transformation pédagogique auprès de la communauté universitaire.
Le dispositif hybride pour faire évoluer les pratiques pédagogiques
Le dispositif Flex-Hybrid constitue un moyen durable de faire évoluer les pratiques pédagogiques vers des pratiques davantage centrées sur l’apprenant. Cette évolution se déroule en trois temps :
1) l’appel à projet constitue un élément déclencheur, perçu comme une opportunité de faire évoluer sa pratique pédagogique, sans risque, en « milieu protégé » ;
2) le dispositif Flex-Hybrid, qui accompagne la transformation d’un cours traditionnel en cours hybride constitue une porte d’entrée « numérique » pour atteindre le « pédagogique » ;
3) l’expérimentation de l’enseignement hybride permet plus facilement à l’enseignant d’y adhérer, parce qu’il perçoit les changements positifs au sein de sa classe.
L’effet de l’hybridation sur la qualité des apprentissages
1. La double caractéristique de l’enseignement hybride : pour un meilleur engagement des étudiants ?
L’enseignement hybride présente une double caractéristique :
1) les caractéristiques d’un enseignement centré sur l’apprenant : travail en autonomie, travail collaboratif, activités de haut niveau, évaluation formative et continue, individualisation/personnalisation ;
2) les caractéristiques propres à l’hybridation : flexibilité, numérique.
L’enseignement hybride constitue donc un atout certain pour l’engagement des étudiants, parce qu’il implique à la fois les caractéristiques d’un enseignement centré sur l’apprenant et les caractéristiques propres à l’enseignement hybride.
2. Doubles modalités présence/distance : un moyen de gérer l’hétérogénéité ?
La double modalité présence/distance de l’enseignement hybride permet de gérer l’hétérogénéité à trois niveaux :
– l’hétérogénéité dans les attentes et les besoins des étudiants ;
– l’hétérogénéité dans le rythme de travail des étudiants ;
– l’hétérogénéité des types de cours. Certains cours se prêtent en effet davantage à l’enseignement hybride qu’à l’enseignement en présentiel.
3. Double adaptation : l’hybridation pour les étudiants les plus autonomes ?
Comme nous l’avons vu, l’enseignement hybride présente une double caractéristique. De fait, pour s’adapter à l’enseignement hybride, il est nécessaire que l’étudiant fasse doublement évoluer son métier d’étudiant pour pouvoir s’approprier les nouvelles attentes : celles de la pédagogie centrée sur l’apprenant et celles de l’hybridation.
– S’adapter aux nouvelles attentes de la pédagogie centrée sur l’apprenant : les résultats du questionnaire montrent que certains étudiants éprouvent des difficultés à s’approprier les caractéristiques de la pédagogie centrée sur l’apprenant, c’est-à-dire à devenir davantage acteur de son apprentissage.
– S’adapter aux nouvelles attentes de l’enseignement hybride. Certains étudiants ont des difficultés à s’approprier l’asynchronicité des contacts, liés à l’usage du numérique. On observe également que leurs difficultés portent sur l’appropriation de la flexibilité. Certains ne parviennent pas à faire évoluer leur relation au temps (flexibilité horaire), à l’espace (flexibilité géographique) et à soi (flexibilité pédagogique).
Nous faisons l’hypothèse ici que ce sont alors les étudiants les plus autonomes qui parviennent le mieux à faire évoluer leur nouveau métier d’étudiant pour s’adapter aux nouvelles attentes.
Conseils pour la mise en place d’un enseignement hybride
– Pour favoriser l’adhésion des enseignants dans le dispositif Flex-Hybrid, l’explicitation du fonctionnement du dispositif auprès des enseignants est essentielle. Ainsi, il conviendra par exemple d’insister auprès des enseignants sur la constitution du comité de valorisation.
– La mise en place de l’hybridation nécessite une prise en compte des contraintes de l’institution, par exemple : date d’attribution des cours aux enseignants, disponibilité et accessibilité du matériel.
– Un exemple de cours hybride pourrait être montré aux enseignants pour qu’ils puissent s’approprier plus facilement le dispositif.
– Proposer d’autres appels à projet. Il pourrait être intéressant de proposer un projet avec une « porte d’entrée » pédagogique, de manière à faire évoluer les pratiques pédagogiques dans le cadre d’enseignements en présentiel. Par exemple il pourrait s’agir d’un accompagnement à la mise en place d’un apprentissage par problème.
– Expliciter davantage les évolutions dans le métier d’étudiant (les attentes) induites par l’enseignement hybride. Cette explicitation pourrait faire l’objet d’un document texte ou d’une présentation en présentiel.
– Renforcer l’accompagnement des étudiants à distance. Par exemple, l’enseignant pourrait utiliser davantage les outils de communication synchrones. Des documents méthodologiques pourraient compléter les ressources.
– Accompagner davantage les étudiants dans l’évolution de leur métier d’étudiant, notamment dans le développement de leurs compétences de « travail en autonomie » et de « travail collaboratif ».
Laetitia GERARD